Tribunal correctionnel de La Rochelle : Vers une nouvelle parole dans les procès de violences conjugales ?
Tribunal correctionnel de La Rochelle
septembre 2021
Les faits sont simplement têtus. Il est fort et très sur de lui. Elle, beaucoup plus jeune que lui, l’admire. Mais, elle est majeure.
Il la bat. Il l’humilie.
Elle le couvre, elle est dans un déni absolu.
La maman visite trois fois le commissariat de sa ville pour dénoncer la situation qui empire et qui voit la jeune fille revenir au domicile de ses parents toujours plus blessée.
Trois fois, les policiers opposent un laconique « on ne peut rien faire, elle est majeure, c’est à elle de se plaindre. »
Alerte est donnée au Parquet de cette situation d’emprise.
Et des faits.
Réactivation du dossier et garde à vue du conjoint violent.
Contrôle judiciaire avec interdiction de rencontrer la victime… qui persiste à ne pas être victime et invente même des « auto-blessures ».
Violation du contrôle judiciaire.
Nouvelles violences.
Elle continue de couvrir la situation de son silence assourdissant.
Audience tribunal correctionnel.
Elle refuse de se constituer partie civile.
Sous emprise.
Le prévenu affiche une solide conviction d’invulnérabilité : pas de victime, pas de procès…
Relire Marie France Hirigoyen ne fait pas de mal avant pareille audience.
Notre cabinet se constitue pour les parents.
Nous exposons que la famille souffre d’un préjudice propre qui est de regarder, impuissamment, sa fille sombrer dans la violence que son bourreau lui inflige.
Demande d’irrecevabilité de notre intervention par le prévenu qui ne voit pas de « préjudice direct »
Plaidoirie sur cette question en particulier qui permettrait donc aux parents, proches, enfants etc… de se constituer parties civiles et de venir porter la contradiction judiciaire à l’auteur des faits quand bien même la victime principale (et aussi directe), sous emprise, se dispenserait de le faire.
Le Tribunal correctionnel de La Rochelle reconnait ce droit à agir et consacre l’existence d’une souffrance et donc d’un préjudice propre aux membres d’une famille de la victime (« consentante ») de violences conjugales.
Une nouvelle voix !
Une nouvelle voie ?
François Drageon, avocat à La Rochelle