Fraude fiscale…et relaxe du prévenu.
Tribunal correctionnel de La Rochelle
18 février 2018
Dire que les relations entre notre client et l’administration fiscale sont apaisée ne serait pas vraiment sincère.
En fait, elles sont détestables.
Il est poursuivi pour s’être soustrait volontairement au paiement de l’impôt sur deux de ses sociétés et à la TVA en même temps. Les sommes pourraient indiquer qu’il n’y a rien à dire d’autre que ce qu’en dit la citation.
Mais, parce qu’il y a toujours un mais, rien n’est si simple.
Depuis que le « verrou de Bercy » a sauté, ces procédures arrivent plus naturellement devant le juge pénal, Bercy ne pouvant plus servir de filtre à la pénalisation de ces comportements et devant renvoyer entre les mains du Parquet les infractions dont les agents du fisc sont témoins, toujours à l’occasion d’un contrôle, puis d’un redressement. Nous y sommes. Dire donc que la jurisprudence répressive doit se caler sur la preuve des faits de fraude fiscale est une évidence.
Ce qui occupait le tribunal de La Rochelle était une forme de syllogisme de la preuve assez topique d’un laisser aller dans ce domaine : l’administration rient pour non probante la comptabilité de la société vérifiée (Acte 1), de la sorte, elle reconstruit unilatéralement une comptabilité qu’elle appelle « reconstitution de recettes » (Acte 2), sur la base de laquelle elle notifie un ou plusieurs redressements (IS – Impôts société et TVA) (Acte 3) et elle saisi le Procureur de la République des faits de fraude fiscale sur la base de ses reconstitutions de recettes et redressement (Acte 4), lequel compte tenu qu’il estime que le travail probatoire est déjà fait, revoit devant le Tribunal correctionnel de La Rochelle sans désemparer et sans aucune investigation complémentaire. (Acte 5)
Or, la preuve en matière pénale n’est pas si simple : Il faut prouver le fait et l’intention. Les deux, mon capitaine. Discutant sérieusement les faits en proposant une nouvelle « reconstitution de recettes » totalement divergente de celle de l’administration fiscale, argumentée et précise, et contestant toute intention, le prévenu s’en sort par une … relaxe sur la quasi-totalité des faits poursuivis car la preuve auto administrée par l’administration fiscale n’est pas une preuve reine et qu’elle ne vide pas la question de de la preuve de l’intentionnalité ! Le Parquet et l’administration relèveront appel de cette décision dont est saisie la Chambre des Appels correctionnels de la Cour d’Appel de Poitiers.
Le débat sera âpre.
Mystère des arcanes administratives : je viens d’apprendre que sur l’une des deux sociétés pour laquelle l’administration fiscale avait demandé une sanction pénale, elle vient de dégréver totalement en renonçant à son redressement ! Nous voilà désormais face à une fraude fiscale sans redressement fiscal…
François Drageon, avocat à La Rochelle